Un reportage de France 3 Franche-Comté,
mis en ligne sur Youtube le 11 octobre 2018
PrĂ©sent dans les deux đ Ă©pisodes vidĂ©o ci-dessous :
Christophe Lime, membre du collectif âNotre Aggl’EAUâ
La sĂ©cheresse 2018 a posĂ© beaucoup de questions concernant notre ressource en eau, sa gestion et sa distribution. Des questions sur les quantitĂ©s disponibles et leur prĂ©servation. L’avenir de l’eau est-il assurĂ© ? Ou encore Ă construire avec un partage des ressources ?Â
(…) Besançon fait figure « dâexception » ou presque. C’est « le bon Ă©lĂšve de la classe » si lâon en croit les recommandations des instances de lâenvironnement. Le fruit dâune rĂ©flexion menĂ©e Ă lâissue de la sĂ©cheresse de 2003, et qui sâĂ©tait rapidement conclue par la mise en place dâune logique dite de « lâinterconnexion » (…)
La rĂ©serve d’eau paraissait « sous contrĂŽle » durant cette pĂ©riode dâune pluviomĂ©trie exceptionnellement basse. Mais elle semble atteindre ses limites dans divers endroits de la rĂ©gion comme dans une partie du Jura, la rĂ©gion de MontbĂ©liard ou dans plusieurs secteurs du Haut-Doubs oĂč les alertes se sont succĂ©dĂ©es.
De lâeau dont le dĂ©bit permanent et de bonne qualitĂ©, semble couler de source lorsque lâon ouvre le robinet. En rĂ©alitĂ© : le rĂ©sultat dâune infrastructure et dâune organisation consĂ©quente et complexe qui rĂ©vĂšle bien des failles une annĂ©e de grande sĂ©cheresse comme cette annĂ©e 2018. Le Doubs complĂštement  à sec sur des kilomĂštres ; des lacs, des torrents et des cascades devenus lâombre dâeux-mĂȘmes. Les images ont couru tout lâĂ©tĂ© dans les mĂ©dias, et les consĂ©quences sont nombreuses qui inquiĂštent les usagers et les Ă©lus. Comme Ă Mathay (le principal rĂ©servoir dâeau potable du Nord Franche-ComtĂ©) dont lâusine est encore ce mois dâoctobre sous la menace de ne plus rĂ©ussir Ă jouer son rĂŽle. « Du jamais vu » selon le maire Daniel Granjon.
Une pĂ©nurie qui nâest pas la premiĂšre en Franche-ComtĂ©. 1976, puis 2003⊠Les mĂȘmes carences, et les mĂȘmes interrogations face au dĂ©rĂšglement climatique et aux menaces qui pĂšsent, de plus en plus en plus fortes, sur la pertinence et la pĂ©rennitĂ© de notre gestion de la ressource.
« Agences » ou « syndicats des eaux » se partagent cette maĂźtrise de la ressource en centaines de structures locales indĂ©pendantes et le plus souvent « difficilement » conciliables entre elles. De quoi rendre Ă©videmment dĂ©licate la tĂąche de rationaliser la captation et la gestion de cette eau dans un souci dâĂ©quilibre et de partage Ă©quitable.
Câest dâailleurs ce que la Cour des Comptes avait dĂ©jĂ formulĂ© dans un rapport publiĂ© en 2015 prĂ©conisant « un regroupement des rĂ©gies dâeau et dâassainissement, afin dâaugmenter le service rendu en amĂ©liorant les performances dans un cadre territorial Ă©largi ». La politique du « Chacun son eau » qui marque profondĂ©ment la culture de cette organisation des eaux potables en France.
A Besançon, on joue lâinterconnexion des rĂ©seaux
Dans ce contexte, Besançon fait figure « dâexception » ou presque. C’est « le bon Ă©lĂšve de la classe » si lâon en croit les recommandations des instances de lâenvironnement. Le fruit dâune rĂ©flexion menĂ©e Ă lâissue de la sĂ©cheresse de 2003, et qui sâĂ©tait rapidement conclue par la mise en place dâune logique dite de « lâinterconnexion ».  En clair : la mise en rĂ©seau des captages et des rĂ©servoirs dissĂ©minĂ©s au travers des diffĂ©rentes entitĂ©s communales ou intercommunales. Ce systĂšme de partage avait conduit Ă une collaboration inĂ©dite entre lâAgence de lâeau bisontine et le syndicat rural du Val de lâOgnon il y a 15 ans. Cet Ă©tablissement poursuit depuis le dĂ©veloppement de sa propre interconnexion avec des communes de Haute-SaĂŽne et du Jura.
Avec :
âą Christian Morel, vice-prĂ©sident de la chambre d’agriculture du Doubs
⹠Christophe Lime, adjoint au maire de Besançon
âą Thierry Decostered, prĂ©sident du syndicat intercommunal du val de l’Ognon
En tout : 37 communes sont dorĂ©navant reliĂ©es Ă partir du Grand Besançon. Ă peu prĂšs 150 000 personnes profitant de 15 points de captage, dont le plus significatif Ă la source dâArcier. La source est un « monument » qui fait peau neuve cet automne aprĂšs une campagne de mise en valeur du site qui sera bientĂŽt rendu Ă la vue du public.  à terme, le projet  devrait regrouper lâintĂ©gralitĂ© des usagers compris dans le pĂ©rimĂštre de la CAGB et mĂȘme un peu plus. Soit un peu plus de 200 000 habitants.
Un programme « dâinterconnexion », reconnu comme « un modĂšle » par le Grenelle de lâenvironnement, pour assurer la continuitĂ© de lâapprovisionnement en eau potable de qualitĂ© en respectant mieux les contraintes du milieu naturel.
Mais politiquement : « pas si simple ! » selon Christophe Lime, le « Monsieur de lâeau bisontine », et plusieurs prĂ©sidents dâĂ©tablissements ruraux concernĂ©s. Une question dâintĂ©rĂȘts divergents qui sâest amplifiĂ©e avec la promulgation de la loi NOTRe de 2015 portant sur la rĂ©forme de lâorganisation territoriale (Lâacte III de la DĂ©centralisation). Une source de conflits sans fin entre les Ă©lus locaux, crispĂ©s par la dĂ©finition de nouveaux pĂ©rimĂštres jugĂ©s « incohĂ©rents » et « arbitraires ».
De nouvelles ressources Ă partager
« Lâinterconnexion » constituerait toutefois la bonne piste , voire « la seule » pour partager la ressource structurĂ©e dĂ©jĂ existante, mais qui selon cet hydrogĂ©ologue franc-comtois Jean-Pierre Mettetal, pourrait, ou plutĂŽt « devrait ĂȘtre complĂ©tĂ©e par une politique dâexploration systĂ©matique des sous-sols de la rĂ©gion ». Des sols karstiques qui recĂšlent selon le spĂ©cialiste, encore beaucoup de richesses naturelles Ă dĂ©couvrir. Un immense rĂ©seau de nappes souterraines profondes, dont il nous manque Ă ce jour une topographie exhaustive.
« Prenez par exemple, ce « Doubs » dont le lit ne prĂ©sente plus quâune terre sĂšche et craquelĂ©e depuis le mois de juillet, nous explique lâexpert⊠Mais lâeau de la riviĂšre nâa pas tout bonnement disparu un beau jour dâĂ©tĂ© comme par enchantement, comme le rĂ©sultat dâune Ă©vaporation dans lâair caniculaire franc-comtois ! Lâeau est toujours lĂ ! Mais simplement en dessous ; circulant Ă des mĂštres et des mĂštres sous la surface, dans un labyrinthe de failles calcaires qui communiquent entre elles et les cours dâeau habituellement visibles Ă lâair libre⊠Lâeau circulant en surface, câest la partie visible de lâiceberg ; et jâaffirme que lâessentiel est sous nos pieds. »
Avec :
⹠Jocelyne Joliot, présidente de la communauté de communes
et du syndicat des eaux de Dommartin
⹠Jean-Pierre Mettetal, hydrogéologue
âą Christophe Lime, adjoint au maire de Besançon, directeur des rĂ©gies d’eau publique – France Eau Publique
Ce sont les spĂ©lĂ©ologues qui souvent nous aident Ă dĂ©couvrir et Ă Ă©tudier cet incroyable enchevĂȘtrement de cavitĂ©s. Ils nous en apprennent beaucoup sur notre sous-sol. Ainsi, « la Loue », dont le niveau cet Ă©tĂ©, nâa paradoxalement pas Ă©normĂ©ment diminuĂ© contrairement Ă celui du « Doubs » ; semble ĂȘtre le rĂ©sultat de ces modes de communication dĂ©couverts sous nos pieds grĂące Ă leur intervention. Un effet de vases communicants. Un patrimoine encore trĂšs largement mĂ©connu des opĂ©rateurs et des responsables de lâeau en France, et une dĂ©marche scientifique, Ă laquelle lâĂ©tat devrait contribuer en jouant pleinement son rĂŽle selon cet ingĂ©nieur. Ce qui semble loin dâĂȘtre le cas aujourdâhui.
LâĂtat, plutĂŽt enclin Ă poursuivre sa politique de prĂ©lĂšvement sur les recettes des agences de lâeau dans le cadre de la contribution nationale au remboursement de la dette. Une manne de 200 millions par an, dont beaucoup prĂ©fĂ©reraient quâelle soit rĂ©servĂ©e Ă lâinvestissement pour la prĂ©servation et le dĂ©veloppement de la ressource.
Reportage :
JL Gantner, P. Arbez